Il ne paraît pas possible de donner, en quelques lignes, une idée rigoureusement exacte de ce qu'est la comptabilité d'un diocèse de Languedoc, d'abord parce que cette comptabilité n'a pas eu l'uniformité que l'on pourrait croire, chaque receveur l'ayant pratiquée avec des variantes, ensuite parce que la royauté, elle-même, l'a remaniée fréquemment.
Par contre, il semble utile de donner aux chercheurs quelques précisions qui leur faciliteront l'utilisation de cette comptabilité.
Jusqu'aux premières années du XVIIe siècle, la comptabilité ordinaire du diocèse comprend quatre sortes de pièces :
1. Les commissions délivrées par les états à chaque diocèse pour la levée des impositions. Sur parchemin, ornées souvent de jolies vignettes sur bois, elles sont généralement au nombre de trois : une pour les deniers de l'aide, octroi, crue, réparation, frais d'état et d'assiette ; une pour l'augmentation de solde de la gendarmerie et l'ustensile ; une autre qui est la commission pour les deniers du diocèse.
2. L'assiette ou les assiettes. L'assiette est transcrite sur un cahier. Elle reproduit généralement la commission donnée aux députés de l'assiette diocésaine ; viennent ensuite sous le nom de chaque lieu du diocèse formant communauté et recevant du même coup une mande séparée, les chiffres que doit verser cette localité, aux différents titres des impositions.
Les localités ne sont pas classées par ordre alphabétique unique, mais par pays composant le diocèse. Il y a là un élément pour l'étude des divisions anciennes du diocèse. Après cette liste, figure le paiement détaillé des frais d'assiette. Cette partie, qu'on retrouve dans l'état au vrai, fournit des renseignements sur les dirigeants du diocèse.
3. L'état au vrai, cahier plus ou moins gros, suivant l'importance du compte, comprenant deux parties : recettes, dépenses.
Les recettes mentionnent les chiffres globaux : a) de l'aide et octroi ; b) de la crue ; c) du taillon ou de l'augmentation de solde de la gendarmerie et ustensile ; d) des gratifications des gouverneurs ou lieutenants généraux ; e) des frais d'états ; f) des frais d'assiette ; g) des gages des receveurs ; h) des recettes exceptionnelles : condamnations au profit de la bourse du pays ou autres.
Les dépenses comprennent : a) des versements globaux aux receveurs généraux des finances correspondants aux différents titres des recettes ; b) des paiements détaillés des frais d'assiette, détails souvent précieux pour l'histoire locale ; c) les dépenses communes (épices, voyages du receveur ou port des compte et espèces).
4. Les pièces comptables, constituées essentiellement par les quittances de paiements. Ce sont généralement les documents qui fournissent les éléments les plus nombreux et les plus précis : nom, qualité, résidence du créancier, parfois du procureur, origine de la créance, etc.
A ces acquits viennent s'ajouter des pièces annexes dont la présence n'est pas régulière. Ce sont, par exemple, tous les documents justifiant les non-valeurs, relatifs aux lieux qui n'ont pas payé leurs impositions ou qui n'en ont payé qu'une partie ; mention y est faite des raisons pour lesquelles ils ont fait défaut : calamités agricoles, épidémies, occupation par des partisans
Les acquits sont souvent donnés sur l'espace libre laissé dans les mandements en vertu desquels certaines sommes sont payées.
Dès le règne de François Ier, des emprunts royaux sont émis, dont l'intérêt est payé sur les recettes de l'aide et de l'octroi. Les quittances de ces arrérages de rentes peuvent faire l'objet d'une étude utile sur les porteurs de rente. Elles révèlent, en certains diocèses du Languedoc, une classe moyenne nombreuse et aisée. Les troubles, qui bouleversèrent ensuite cette province pendant plus d'un demi-siècle, modifièrent la répartition de ces rentes. Le nombre des possesseurs diminue. On voit se constituer ainsi de grosses fortunes aux dépens des classes moyennes. Au XVIIIe siècle, les rentes garnissent surtout le portefeuille des collectivités. Les rentes créées par François Ier furent rachetées vers 1620, mais d'autres rentes les remplacèrent, soit sous une tonne semblable, soit sous forme d'augmentation de gages d'offices que pouvaient acquérir ceux qui ne possédaient pourtant point l'office.
Avec les quittances de rentes, au fur et à mesure que la date des émissions s'éloigne, on trouve des actes établissant l'origine de propriété : contrats de mariage, testaments, certificats de baptêmes, attestatoires de décès, procurations, pactes de partage, etc. Comme les porteurs de rente sont souvent étrangers à la province, il y a là des éléments généalogiques qu'on n'aurait peut-être pas eu l'idée d'y chercher.
Les levées d'impositions extraordinaires donnent lieu à une comptabilité correspondante, distincte de la comptabilité ordinaire que nous venons d'esquisser. Les pièces qu'elle peut comprendre varient avec l'objet. Le plus souvent, ce sont des fonds employés à l'entretien des troupes que la guerre civile amène dans les diocèses. Une des pièces les plus typiques de cette sorte de comptabilité est la montre, liste de chefs et d'hommes d'armes tenant la campagne ou une garnison. L'analyse brève que nous donnons de ces comptes extraordinaires du XVIe siècle permet d'ailleurs d'imaginer suffisamment la nature des pièces à l'appui.
Dans les premières années du XVIIe siècle, les impositions extraordinaires deviennent régulières et l'on trouve chaque année :
1. Les comptes des deniers ordinaires, avec leurs différents chapitres, octroi, crue, taillon, gages des receveurs, qui se répètent aux dépenses où figurent, en outre, les intérêts de rentes sur l'aide et l'octroi, les exemptions accordées à divers (professeurs d'universités ou autres), les épices des gens des comptes et le droit de liève du comptable ;
2. Les comptes des deniers extraordinaires, divisés en réparations des fortifications des villes et places frontières du Languedoc, gratifications des gouverneurs et lieutenants généraux, extraordinaire de la guerre et entretien des garnisons, sur taux des vivres de la compagnie du connétable, entretien des ponts de la sénéchaussée, intérêts des dettes du pays de Languedoc, frais des états, frais des assiettes, droit de levure.
Vers 1629, une troisième comptabilité se détache des précédentes, la comptabilité du taillon, comprenant le taillon, l'augmentation de solde et commutation d'ustensile, les gages de receveurs. Cette comptabilité demeure pareille jusqu'en 1789, avec la seule modification que les gages des receveurs disparaissent en 1771.
Il n'en est pas de même des deux autres. Les titres des recettes et dépenses changent. L'aide, octroi et crue, par exemple, deviennent vers 1630, " le principal de la taille et crues jointes " ; en 1633, " la grande taille " ; en 1649, " l'aide, octroi, crue et préciput d'équivalent ".
Vers 1645, les comptes des deniers ordinaires s'enrichissent d'un nouveau chapitre : les gages des officiers du présidial, mais, pendant un certain nombre d'années, la dépense n'est qu'un chiffre global versé au receveur des présidiaux de Languedoc, et le détail en doit être cherché dans les comptes des présidiaux et sénéchaussées de la province. À la fin du XVIIe siècle, cette recette spéciale ayant été supprimée, les paiements deviennent nominaux dans les ordinaires, et l'on peut ainsi, grâce à eux, reconstituer la liste des magistrats de ces cours.
Les augmentations de gages attribués aux justices royales par édit d'octobre 1693, nous valent aussi de connaître, avec le titulaire de la justice, le nom des particuliers ou collectivités qui ont fait l'acquisition de ces gages.
Vers 1641, apparaît aussi la dépense globale des gages d'offices d'auneurs-marqueurs de draps et d'étoffes. Des gages semblables se multiplient et vers 1689, on peut relever, en leur chapitre, les titulaires des offices et les acquéreurs de leurs gages, le nom ronflant d'un lieutenant général d'épée et la corporation des pâtissiers qui possède l'office ou l'augmentation de gages.
Ces détails disparaissent un demi-siècle après.
Dans le même temps, apparaissent les gages des maires perpétuels des communautés, créés par l'édit d'août 1692, avec les noms des maires et des assesseurs.
Ces listes, qui s'amenuisent jusque vers 1717, reparaissent, en conséquence de l'édit de novembre 1733 qui créait et rétablissait les offices municipaux et les greffiers des communautés.
L'édit d'août 1758 les revigore en créant des offices mi-triennaux et alternatifs.
Nous ne reviendrons pas sur les pièces relatives aux rentes établies sur les deniers ordinaires, qui ont apparu et disparu au rythme des édits. Notons seulement, en passant, que leur abondance est en raison directe de l'âge de la rente.
Dans les comptes des deniers extraordinaires, les entretiens d'armées et les ponts et chaussées s'éclipsent vers 1633, mais les ponts reparaissent plus tard.
Le " don gratuit " des états au roi apparaît en chapitre spécial vers 1654.
Les garnisons se dédoublent, vers 1651, en garnisons et mortespayes. Dans le même temps, à peu près, s'établit l'étape.
Mais dans ces deniers extraordinaires, le chapitre le plus fourni et le plus détaillé est celui des intérêts des dettes du diocèse. Il nous fournit le nom des créanciers, leur profession, leur résidence, et, dans les pièces annexes, les actes familiaux que nous citions plus haut. Le plus souvent la raison des emprunts est mentionnée : armement des milices, achat de semences à la suite de calamités agricoles, construction de casernes, de chemins ou grands travaux publics. Ces emprunts diocésains, qui n'étaient souvent que des fragments d'emprunts provinciaux, ont eu généralement un succès mérité qui dépassait de beaucoup les limites du Languedoc.
C'est encore dans ces deniers qu'on trouve des renseignements sur les pensions faites par le diocèse aux ordres religieux pour l'entretien des collèges de la région ou la création de cours supplémentaires. Les quittances ont conservé bien des noms du personnel de ces établissements.
En 1771, la simplification de la comptabilité diminue considérablement le nombre des renseignements qu'on en peut tirer.
Le chercheur qui s'intéresserait à des détails volontairement omis dans cette présentation succincte, pourra trouver, dans les volumes d'enregistrement de la cour des aides (1 B 1-44), la plupart des textes assignant un fonds public au paiement d'une dépense.
L'instrument de recherche précise, au niveau de chaque titre, les communautés faisant partie de chaque diocèse. Cette liste est dressée au moyen de la plus ancienne assiette (1572). L'assiette ne mentionne que les communautés qui reçoivent alors une mande séparée ; c'est pourquoi il a paru intéressant de la compléter en utilisant un document inédit trouvé dans le fonds de la cour des comptes mais qui provient certainement de l'intendance, d'après certaines particularités. Sont indiqués en italique dans l'instrument de recherche les lieux qui ne figurent que dans ce petit registre du XVIIIe siècle, sans être nommés dans l'assiette du XVIe siècle. Au cours des deux siècles suivants, un grand nombre de localités ont en effet obtenu des mandes séparées.